Un défi commercial et technique
Le cauchemar de tout ingénieur en structure, c’est de recevoir un appel lors de la mise en marche d’un équipement vibrant ou rotatif et d’apprendre que les fondations vibrent de façon excessive. Il est important de s’assurer que les supports de ce type d’équipement sont conçus dans les règles de l’art, particulièrement lorsqu’ils se trouvent dans des sols défavorables.
Nous entendons par sols défavorables des sols de faible portance, notamment ceux constitués d’argile sur plusieurs mètres d’épaisseur.
Quant aux règles de l’art, il s’agit des pratiques reconnues en matière de conception de fondations destinées à accueillir des machines vibrantes ou rotatives. Ces équipements et leurs fondations posent de nombreux défis aux ingénieurs en structure, qui doivent bien connaître :
- les forces transmises par l’équipement et là où elles s’appliquent;
- les fréquences d’opération associées aux forces;
- les caractéristiques dynamiques du sol;
- les limites acceptables d’exposition aux vibrations des fondations;
- le type de construction et les matériaux utilisés;
- les conditions du contour.
Les ingénieurs en structure doivent de plus être présents sur le site pour répondre rapidement aux défis pouvant survenir lors de la construction.
Les solutions s’offrant aux ingénieurs n’étant pas nombreuses, le sol n’étant pas adéquat pour supporter le poids des fondations et de l’équipement, les pieux demeurent le choix sensé. Plusieurs types de pieux existent : en H, en tube, en béton préfabriqué, à base élargie ainsi que les pieux caissons. Le choix des pieux doit s’appuyer sur deux critères : il doit être techniquement adéquat et tenir compte de l’expérience de l’entrepreneur spécialisé avec le type de pieux.
Un exemple concret
Dans le cadre d’un mandat clé en main réalisé par BBA pour une entreprise publique d’électricité, le défi consistait à construire quatre compensateurs synchrones pesant 350 000 kg chacun et comprenant un élément rotatif de 136 000 kg. Cet équipement lourd génère une charge dynamique harmonique et un couple importants pendant son fonctionnement et tout au long de la montée et de la descente en puissance.
Le mécanisme du compensateur ne pouvant subir que très peu de vibrations pendant son fonctionnement, les fondations devaient être conçues pour présenter une rigidité suffisante afin de réduire toute vibration induite et d’assurer un fonctionnement en douceur. Cependant, elles ne devaient pas être trop rigides, car leur fréquence de résonance entrait en conflit avec la fréquence d’opération. L’équilibre entre la souplesse et la rigidité est au cœur de la conception de ces fondations.
De plus, BBA devait tenir compte de l’exigence dictant que la fréquence naturelle du système de fondations devait être supérieure ou inférieure d’au moins 20 % à la fréquence de fonctionnement du compensateur, et ce, pour éviter d’éventuels problèmes de résonance.
Des conditions de sol défavorables : 18 mètres d’argile!
Lors de l’étude initiale, les données géotechniques des trous de forage ont révélé que les quatre sites comprenaient une couche d’argile meuble pouvant atteindre 18 mètres d’épaisseur au-dessus de la moraine et de la roche friable. Cette composition du sol présentait un défi technique exceptionnel en raison de la mollesse et du manque de rigidité de l’argile. Cependant, la combinaison de fondations de grande taille et du sol assure au système un amortissement important. Si l’équipement de procédé était identique pour les quatre sites, la conception des fondations, elle, ne pouvait pas être basée sur une solution « unique » en raison des variations des conditions du sol. La conception du caisson a été adaptée à chaque emplacement pour tenir compte des différents paramètres du sol.
Les conditions de sol défavorables à chacun des emplacements combinées aux exigences rigoureuses en matière de douceur de fonctionnement des équipements ont nécessité une solution adaptée. Le principal défi résidait dans la conception d’un système de fondations dont les fréquences naturelles étaient inférieures à la fréquence de fonctionnement, sans compromettre sa rigidité. L’aspect géotechnique du site représentant le plus grand risque pour la conception; l’interaction sol-structure a dû être également prise en compte.
Une solution adaptée et avantageuse
Lors de la phase de conception détaillée, BBA a choisi d’utiliser un système de fondations de béton sur des pieux caissons. Deux raisons ont motivé ce choix : ces pieux permettaient d’obtenir un intervalle de fréquences naturelles hors de la plage visée et l’entrepreneur spécialisé en avait déjà installé. Les fréquences naturelles primaires sont toutes sous la fréquence d’opération. Des fondations en blocs de béton réglés au-dessus de la fréquence se doivent d’être plus rigides, ce qui augmente les coûts et la difficulté de construction. On parle de réglage sous la fréquence lorsque les fondations ou la structure de support sont conçues pour avoir une fréquence primaire inférieure à celle de l’équipement vibrant.