12 mars, 2024

Exposition aux poussières de silice cristalline : un nouveau cadre réglementaire bientôt en vigueur au Québec

  • Article
  • Hygiène industrielle
  • Silice cristalline
  • CNESST
  • Santé, sécurité et environnement
Blogue silice cristalline photocms poussiere chantier

Connaissez-vous bien la silice cristalline et les risques qu’elle représente pour la santé des travailleur·euse·s? La silice cristalline (SiO2) entre naturellement dans la composition de nombreux minéraux; on la trouve aussi à l’état libre, principalement sous forme de quartz. Plusieurs autres polymorphes de silice cristalline existent dont la cristobalite retrouvée dans les roches volcaniques, le tripoli, une forme de microcristalline de quartz, ainsi que la silice amorphe.

  1. La silice amorphe d’origine naturelle est utilisée, entre autres, pour produire le gel de silice (agent de déshydratation), la silice amorphe précipitée (agent abrasif), la silice pyrogénique (agent épaississant) et la silice fondue (céramique, verre). Le quartz est la forme de silice cristalline la plus abondante et celle qui représente la plus grande part des risques d’exposition pour les travailleur·euse·s. Il est l’un des principaux constituants du granit, du sable, de l’ardoise et du grès. Les travailleur·euse·s appelé·e·s à effectuer diverses tâches de transformation du minerai, telles que le dynamitage, le concassage, le sciage, le taillage, le polissage, le sablage au jet et les procédés à sec, s’exposent à ce contaminant.

  2. Situation au Québec

    Au Québec, la grande majorité des installations minières exploitent des sites d’extraction, de raffinage et de traitement de roches contenant des minéraux à haute valeur économique (p. ex. fer, or, argent, nickel, lithium, cuivre, zinc), mais pouvant contenir également une forte proportion de silice cristalline (de 30 % à 60 %). Les secteurs qui présentent les plus hauts risques d’exposition des travailleur·euse·s sont généralement les bâtiments de concassage, d’entreposage et de concentration (raffinage/traitement), ainsi que les galeries où sont convoyés le minerai et les résidus (stériles).

    De plus, les poussières de silice cristalline émises dans l’air extérieur lors de ces activités peuvent pénétrer dans les bâtiments situés à proximité (bâtiments administratifs, usines de transformation). Cette exposition secondaire, bien que plus pernicieuse, doit aussi être prise en compte pour évaluer l’exposition des travailleur·euse·s à ce contaminant.

  3. Silice cristalline et silicose

    L’exposition chronique aux poussières de silice cristalline met les travailleur·euse·s à risque de développer la silicose. Cette maladie professionnelle à déclaration obligatoire se manifeste par des troubles respiratoires qui peuvent aller de l’essoufflement à l’effort jusqu’à l’asthme, à l’emphysème et au cancer pulmonaire. La silice cristalline est d’ailleurs reconnue comme une substance ayant un effet cancérigène soupçonné selon la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST).

    Le rapport de l’Institut national de santé publique du Québec datant de 2019 démontre que la majorité des cas de silicose déclarés entre 2006 et 2017 le sont chez les travailleur·euse·s des secteurs des mines, des carrières et des puits de pétrole (38 %), du secteur de première transformation des métaux (24 %) et du secteur de la fabrication des produits minéraux non métalliques (13 %). Il s’avère donc essentiel pour tout employeur de ces secteurs d’ajuster ses pratiques pour réduire au maximum l’exposition de ses travailleur·euse·s à la silice cristalline.

  4. Changement de la réglementation

    Afin de prendre en compte les recommandations de l’American Conference of Governmental Industrial Hygienists (ACGIH), fondées sur des données scientifiques, et le résultat de consultations menées par la CNESST, le gouvernement du Québec a émis, en avril 2022, un décret pour effectuer des changements à l’annexe I du Règlement sur la santé et la sécurité des travailleurs (RSST). Ces changements ont pour objectif de diminuer les valeurs d’exposition admissibles de plusieurs contaminants pour mieux protéger la santé des travailleur·euse·s. Les changements portant sur la silice cristalline entreront en vigueur le 28 avril 2024.

    Le gouvernement prévoit ajuster à la baisse d’autres contaminants d’ici la fin de l’année, dont les poussières dites non classifiées autrement (PNCA). Les PNCA sont des poussières qui n’ont pas de valeur d’exposition admissible prévue à l’annexe I du RSST. Ce sont des particules reconnues comme étant nuisibles à la santé, principalement en causant une surcharge pulmonaire; elles sont considérées comme peu toxiques et peu solubles, et la concentration en amiante et en silice cristalline est inférieure à 1 %. En ce moment, pour ce type de poussière, la valeur d’exposition devant être respectée vise les poussières totales. Le gouvernement souhaite ajuster cette norme en tenant compte de la dimension des poussières puisque, selon la dimension des particules respirées, celles-ci peuvent pénétrer plus ou moins profondément dans le système pulmonaire. Les poussières inhalables comprennent toutes les particules d’une dimension de moins de 100 microns tandis que les poussières respirables sont de moins de 4 microns. Ces particules peuvent atteindre les alvéoles, y causer des dommages, et dans certains cas, peuvent pénétrer dans le sang. Les poussières respirables représentent un risque plus important de causer des problèmes de santé.

  5. Pour réduire au minimum l’exposition des travailleur·euse·s aux poussières respirables de silice cristalline, l’employeur a l’obligation de mettre en place des mesures de contrôle très efficaces. Il devient alors impensable d’effectuer la recirculation d’air. Si les valeurs d’exposition admissibles sont dépassées, des appareils de protection respiratoire individuels (APR) doivent être mis à la disposition des travailleur·euse·s. Il faut noter que la protection individuelle constitue une mesure temporaire et de dernier recours; la mise en place d’un programme de protection respiratoire devrait être une mesure de mitigation transitoire en attendant que les solutions de contrôle permettant de respecter les valeurs d’exposition réglementaires soient implantées1. En général, il n’y a pas de droits acquis en matière d’hygiène industrielle; ainsi, de telles mesures doivent être prises par l’employeur lors de la conception et de l’aménagement d’un nouveau site, mais également dans le cas d’installations existantes qu’il faudra modifier pour assurer le respect des normes d’exposition actuelles ou à venir.

  6. Des solutions d’ingénierie novatrices

    Les normes d’exposition aux particules totales, inhalables ou respirables peuvent être assez variées selon les contaminants en présence; le type de solutions applicables et l’efficacité requise des moyens de contrôle à mettre en place le seront tout autant. Dans le cas particulier des particules respirables de silice cristalline, la nouvelle norme d’exposition est 200 fois inférieure à celle qui s’applique aux PNCA, 100 fois moins élevée que la norme d’exposition applicable aux poussières de bois2 et 60 fois en dessous de celle applicable à la farine3. Lorsque les cibles à atteindre sont à ce point différentes, il est important de réaliser que les solutions à implanter ne sont pas du même calibre. En présence de silice cristalline, les moyens de contrôle seront donc plus complets, plus stricts et plus complexes; la supervision de leur fonctionnement et de leurs performances sera également nécessaire, et passera par une maintenance efficace et de l’entretien systématique.

    Alors que le RSST prescrit le confinement et le captage à la source comme mesures de contrôle prioritaires (RSST, art. 41), c’est dans l’efficacité de ces solutions que résident le succès de vos projets et le respect des normes d’exposition. S’il n’est pas rare de constater que de telles normes peuvent être respectées aux abords d’une ligne de sciage de bois franc ou dans une boulangerie industrielle, où les équipements sont munis d’un système de dépoussiérage peu performant (p. ex. entretien insuffisant, conception inadéquate), il ne sera pas possible de faire ce même constat en présence de contaminants dont les normes d’exposition sont très basses (p. ex. silice cristalline, cadmium, chrome, amiante, cobalt, plomb); dans ces cas, toutes les sources de dégagement de poussières doivent être en tout temps adéquatement contrôlées, ce qui requiert une grande performance des systèmes en place.

    En général, il faudra penser à mettre en place une combinaison de solutions de contrôle visant entre autres à :

    • Minimiser les émissions fugitives provenant des équipements de procédé en optant pour :
      • un maximum de confinement (p. ex. fermeture et étanchéisation);
      • du captage à la source (dépoussiérage);
      • des solutions de mitigation comme l’abattement de poussières (humides ou sèches) et le mouillage de matériel4.
    • Éliminer la contamination indirecte comme les émissions de poussières provenant des piles de matériel sec ou ayant séché par suite d’un déversement ou d’un débordement, et l’entrée par les prises d’air neuf de poussières fines émises à l’extérieur des bâtiments.
    • Ajuster les contrôles techniques existants (p. ex. système de ventilation générale, systèmes de dépoussiérage, cabines fermées).
    • Maximiser et prioriser l’entretien et la maintenance des équipements et des systèmes ayant un impact critique sur la qualité de l’air.
    • Informer et former de façon régulière les travailleur·euse·s et les sous-traitants à propos des dangers causés par la silice cristalline et des moyens de contrôle des risques d’exposition en vigueur sur le site industriel ou minier en question.
    • Mettre en place un programme de suivi et de gestion des changements, y compris la révision des mesures administratives appliquées.
  7. Pour conclure

    Comme l’exige la réglementation de chaque province en matière de santé et sécurité au travail :

    • Il est de la responsabilité des employeurs de cibler les risques présents en usine et de s’assurer que sont mises en place des mesures de contrôle appropriées. En présence de silice cristalline et, plus généralement, de particules respirables, les employeurs doivent en premier lieu tenter de modifier les activités afin d’éliminer le risque à la source (p. ex. substitution de produits, modification au procédé); si ce n’est pas possible – comme dans le cas des activités minières, par exemple –, les employeurs doivent s’assurer que des solutions de contrôle efficaces sont mises en place afin de réduire l’exposition des travailleur·euse·s au minimum (p. ex. ventilation locale, ventilation par dilution, nettoyage des accumulations de matériel et de poussières); rappelons qu’au Québec, la norme d’exposition applicable en milieu de travail sera réduite de moitié pour ces contaminants.
    • Les travailleur·euse·s ont entre autres l’obligation de suivre les instructions de travail en vigueur et d’appliquer les mesures de contrôle implantées en usine afin de protéger leur santé, leur sécurité ou leur intégrité (physique ou psychique) ainsi que celles des autres5. Par exemple, en présence de silice cristalline, ils·elles doivent s’assurer du maintien de l’étanchéité des équipements de procédé par la fermeture des couvercles et des panneaux d’accès. Ils·elles devront également s’assurer que la ventilation de procédé fonctionne durant les opérations et qu’elle est performante, de nettoyer les accumulations de matériel (p. ex. déversements au sol, débordements de convoyeurs) et de porter les appareils de protection respiratoire là où requis.
    • Les fournisseurs (service ou équipements) ont essentiellement l’obligation de concevoir, de fabriquer et d’installer des produits, procédés et équipements sécuritaires et conformes aux normes en vigueur. Si des particules respirables de silice cristalline sont susceptibles d’être générées, les fournisseurs d’équipements devraient réévaluer leurs critères de conception et s’assurer que les moyens de contrôle qu’ils proposent sont suffisants et adéquats. Le confinement visant à rendre étanche l’équipement afin d’empêcher le dégagement de poussières dans le milieu de travail, et le captage à la source (ventilation locale et dépoussiérage) constituent – seules ou en combinaison – les approches à prioriser pour atteindre cet objectif.

    Des solutions novatrices et efficaces, adaptées aux besoins des clients et conçues pour atteindre les nouvelles valeurs d’exposition à la silice cristalline, ont été développées et mises en place par les expert·e·s de BBA. Fortes d’une expertise multidisciplinaire, nos équipes peuvent à la fois proposer des solutions techniques et des approches de gestion issues du génie industriel afin de vous accompagner dans l’évaluation des risques d’exposition de vos travailleur·euse·s aux poussières respirables de silice cristalline (et autres contaminants) et dans l’élaboration de stratégies de contrôle. Une telle démarche vous permettra de bien cibler les scénarios d’exposition et de respecter les dispositions en vigueur et à venir de la réglementation.

      1. Ces solutions vont souvent nécessiter des investissements importants, des modifications notables aux équipements de procédés et de longs délais d’implantation (de la conception à la mise en service).
      2. Bois dur et bois mou à l’exception du cèdre rouge, particules totales.
      3. Poussières inhalables.
      4. De telles solutions n’offrent qu’un contrôle partiel et local des émissions fugitives; elles peuvent faire partie d’une combinaison de contrôle, mais ne constituent certainement pas en elles-mêmes des solutions uniques.
      5. Les personnes qui se trouvent sur les lieux de travail ou à proximité des lieux de travail.

Ce contenu est fourni uniquement à des fins d’information générale. Tous droits réservés ©BBA

Publications récentes
Voir tout