Je suis née en France dans une famille d’origine marocaine. Je suis la plus jeune de six enfants et le soir, mes frères et sœurs s’amusaient à me faire faire des multiplications. Je détestais que l’on me dise qu’être une fille ou une immigrée pouvait être un frein à mes ambitions. Ces remarques me poussaient à me retrousser les manches pour prouver le contraire. Dans la communauté où j’ai grandi, les filles quittaient la maison familiale pour se marier. Quand je suis partie, mais pour étudier, ma mère m’a dit que j’accomplissais ce à quoi j’avais aspiré toute ma jeunesse.
Portée par mon envie de découverte, je me suis inscrite à un programme d’échange pour faire une maitrise à Polytechnique Montréal. Lors de ma dernière session, j’ai été engagée par BBA où j’ai travaillé quelques années avant de déménager à Québec. En 2016, mon ancien supérieur chez BBA m’a contacté pour me dire qu’un bureau ouvrait dans la capitale et qu’il y avait une place pour moi en électrique dans la même équipe que je connaissais. J’ai accepté sans hésitation ! À notre première rencontre, mon superviseur de l’époque a ressorti mon porte-nom. Il l’avait gardé pendant six ans, persuadé que nous allions un jour retravailler ensemble.
Je crains souvent que l’on considère que j’occupe mon poste pour des raisons de discrimination positive, alors je travaille très fort afin de prouver que j’ai toutes les compétences techniques nécessaires à mon poste. C’est une drôle de dualité puisque je suis favorable aux quotas, mais j’ai l’impression qu’il faut tout le temps rappeler qu’ils s’appliquent à expérience et compétences égales. Ils sont importants, car beaucoup de femmes ne se lancent pas dans une aventure sans être certaines qu’elles correspondent complètement au profil recherché. Par ailleurs, la diversité dans les organisations entraine des gains pour tout le monde. Après tout, les hommes aussi peuvent aspirer à un meilleur équilibre vie-travail, par exemple.
Je suis arrivée à un moment dans ma carrière où je commence à mentorer de jeunes professionnels. Ça a pris un an, et beaucoup d’introspection, pour être à l’aise avec cette idée. Réaliser l’impact que peuvent avoir des modèles féminins sur de jeunes ingénieures m’a certainement aidé à me débarrasser des doutes que j’entretenais par rapport à ma légitimité. Si je peux aider une seule fille à se sentir à sa place en ingénierie, alors ça vaut la peine. »