Les villes et les agences gouvernementales se servent parfois de ces servitudes pour y aménager divers types d’installations communautaires – parcs, terrains de jeux, estrades, sentiers, pistes cyclables, jardins, etc. Des promoteurs immobiliers aimeraient également construire des bâtiments à proximité des servitudes ou y aménager des espaces communs ou des stationnements. Quand ce n’est pas tout simplement des propriétaires désireux « d’agrandir » leur terrain pour y installer un cabanon, une balançoire, un jardin ou une clôture. Sans compter certains propriétaires qui ont des « droits acquis » sur des installations dont la sécurité n’a pas toujours été validée à l’époque de leur construction.
Ce billet de blogue présente les principaux enjeux associés à la proximité d’une structure métallique et d’une ligne à haute tension.
Évolution des pratiques de sécurité
En Amérique du Nord, des guides comme le IEEE 80 – Safety in AC Substation Grounding établissent les bonnes pratiques en matière de sécurité lors de défauts dans les installations électriques, telles que les postes et les sous-stations. Le Code canadien de l’électricité fournit des lignes directrices pour s’assurer que les réseaux de distribution sont spécifiés et installés de manière sécuritaire pour le public. Cependant, les critères de sécurité des lignes électriques à haute tension sont plus difficiles à encadrer, compte tenu de la grande variabilité des paramètres physiques et électriques combinée à une probabilité de danger (occurrence du phénomène et présence humaine) souvent très faible. Ces critères de sécurité sont typiquement de la responsabilité des propriétaires d’installations électriques. Ces derniers doivent donc traiter les plaintes de consommateurs.
En 2017, le groupe de travail international CIGRÉ B2.56 a publié l’ouvrage technique Ground Potential Rise at Overhead AC Transmission Line Structures During Frequency Faults. Ce document recommande des actions basées sur le niveau d’acceptabilité des risques, ce qui diffère de l’approche déterministe du guide IEEE 80. En Amérique du Nord, le groupe de travail IEEE P2467 est présentement à rédiger un guide intitulé Evaluating AC Interference on Linear Facilities Co-Located Near Transmission Lines (traduction libre : Évaluation de l’interférence en courant alternatif sur des installations linéaires situées près de lignes de transport). Ces récentes démarches vont augmenter le niveau de vigilance des diverses parties prenantes, tout en aidant à standardiser les bonnes pratiques en ce domaine.
Principaux phénomènes d’interférence CA
La tension électrique des conducteurs d’une ligne crée un champ électrique (en kV/m) qui s’atténue rapidement en s’éloignant du conducteur de la phase. Le niveau de décharges partielles lié au champ électrique à la surface du conducteur est limité à l’étape de la conception afin d’éviter des effets indésirables tels que le pétillement des lignes électriques à haute tension, généralement très perceptible par temps humide. Au niveau du sol, une ligne de plus haute tension produira généralement un plus grand champ électrique, étant donné la géométrie des phases. Les structures qui ne sont pas électriquement référencées à la terre peuvent ainsi emmagasiner des charges par couplage capacitif, puis les décharger lors d’un contact. Par exemple, dans certaines conditions, certaines personnes peuvent ressentir une décharge désagréable en touchant à un véhicule stationné directement sous une ligne à haute tension. La tension d’une ligne de transport est relativement constante et, par conséquent, sa distribution de champ électrique varie peu pour une géométrie de ligne à une tension donnée. Par contre, des installations hors sol près des lignes sont susceptibles de changer le profil du champ électrique et ses effets.
Le courant circulant dans une ligne à haute tension crée aussi un champ magnétique (en Tesla ou en Gauss) qui s’atténue rapidement en s’éloignant du conducteur de la phase. Par couplage inductif, ce champ magnétique peut induire un courant dans une structure métallique ayant un certain niveau de parallélisme avec la ligne. Contrairement au couplage capacitif, le couplage inductif peut induire un courant dans une structure en contact avec le sol ou enfouie dans le sol (ex. : pipeline, voie ferrée). Ce courant et la tension correspondante peuvent entraîner différents désagréments (corrosion, tension de contact, interférence avec des équipements électriques). Le courant d’une ligne de transport varie continuellement et le champ magnétique qu’elle produit varie également en fonction de la charge selon les cycles journaliers et saisonniers. Par exemple, le courant induit dans une voie ferrée peut parfois développer une tension suffisante pour interférer avec les équipements de signalisation ferroviaire.
Dans le cas d’un bris d’isolation à l’origine d’un défaut à la terre sur une ligne électrique à haute tension, il faut que le courant puisse revenir vers sa source. Le courant peut transiter par conduction à la fois par retour métallique et par une prise de terre (ex. : dans le sol), dans des proportions variables selon l’emplacement et le type de bris d’isolation. L’élévation du potentiel de la prise de terre causée par le phénomène de conduction se mesure par rapport à une référence à la terre éloignée (c.-à-d. un point suffisamment éloigné de la prise de terre pour être considéré à 0 V). Les personnes debout près de de la prise de terre connaîtront une différence de potentiel entre leurs pieds (tension de pas). De même, une personne qui touche une structure métallique connectée à la prise de terre subira une différence de potentiel entre ses mains et ses pieds (tension de contact). Si la tension est suffisamment élevée, la personne reçoit un choc. La figure suivante représente les cas typiques de chocs électriques dus à l’élévation du potentiel de la prise de terre, comme présentés dans la norme IEEE 80.